L’apnée obstructive du sommeil (AOS) touche près de 22 millions d’Américains, selon l’American Academy of Sleep Medicine, et est associée à un risque accru d’accidents de la route (jusqu’à 5 fois plus élevé) et de maladies cardiovasculaires telles que l’hypertension et les accidents vasculaires cérébraux. Caractérisée par des interruptions répétées de la respiration pendant le sommeil, l’AOS est une pathologie sérieuse qui perturbe le repos nocturne et a des conséquences néfastes sur la santé globale. Ces arrêts respiratoires entraînent une diminution de l’apport d’oxygène au cerveau et aux autres organes vitaux, augmentant ainsi le risque de complications à long terme. Il est donc crucial de comprendre les options de traitement disponibles pour cette condition invalidante.

Bien que des solutions comme la CPAP (pression positive continue) et les orthèses d’avancée mandibulaire soient couramment utilisées pour traiter l’AOS, elles présentent des limites, notamment une observance variable des patients et des taux d’échec significatifs à long terme. La chirurgie des tissus mous, bien que parfois efficace, ne s’attaque pas toujours à la cause sous-jacente de l’obstruction des voies aériennes. Face à ces limites, l’avancement mandibulaire (AM) émerge comme une option chirurgicale plus durable et potentiellement plus efficace pour certains patients souffrant d’AOS. Cette intervention a pour objectif de modifier la structure osseuse de la mâchoire pour améliorer la respiration nocturne, offrant une alternative chirurgicale pour l’apnée du sommeil.

Qu’est-ce que l’avancement mandibulaire ?

L’avancement mandibulaire (AM) est une intervention chirurgicale complexe conçue pour traiter l’apnée obstructive du sommeil (AOS) en élargissant les voies respiratoires supérieures. Cette intervention implique une ostéotomie, c’est-à-dire une section chirurgicale des os de la mandibule. La mâchoire inférieure est ensuite avancée de manière contrôlée vers l’avant, augmentant ainsi l’espace disponible pour la langue et les tissus mous environnants. Enfin, les os sont fixés dans leur nouvelle position à l’aide de plaques et de vis, assurant la stabilité de la reconstruction osseuse. Le but ultime de l’AM est de diminuer ou d’éliminer l’obstruction des voies aériennes survenant pendant le sommeil, améliorant ainsi la qualité du repos et la santé générale du patient.

Définition précise de l’AM

L’avancement mandibulaire, en termes plus simples, consiste à « repositionner » la mâchoire inférieure. La procédure comprend :

  • Ostéotomie : La section chirurgicale précise des os mandibulaires.
  • Avancement contrôlé : Un déplacement millimétrique de la mâchoire vers l’avant.
  • Fixation stable : L’utilisation de matériel d’ostéosynthèse (plaques et vis) pour maintenir la nouvelle position.

Objectif de l’AM

Le but principal de l’AM est d’agrandir les voies aériennes supérieures en avançant la langue et les tissus mous associés. Cet agrandissement diminue de manière significative l’obstruction des voies respiratoires survenant durant le repos nocturne. En majorant l’espace disponible pour la respiration, l’AM contribue à réduire le nombre d’apnées et d’hypopnées (diminutions du flux respiratoire) par heure de repos nocturne. Cette diminution des événements respiratoires contribue à améliorer la saturation en oxygène du sang, à diminuer la fragmentation du repos et à réduire la somnolence diurne excessive. Pour conclure, l’AM vise à optimiser la qualité de vie du patient en restaurant un repos réparateur et en abaissant les dangers liés à l’AOS.

Différentes techniques d’ostéotomie

Plusieurs techniques d’ostéotomie existent pour effectuer l’avancement mandibulaire, chacune présentant des avantages et des inconvénients spécifiques. Le choix de la technique repose sur l’anatomie du patient, la sévérité de l’AOS et les préférences du chirurgien. Les deux techniques les plus couramment employées sont l’ostéotomie sagittale de la branche montante (SSRO) et la distraction ostéogenèse mandibulaire (DOM). Il est important de bien connaître les principes de chaque technique pour choisir la plus appropriée pour chaque patient.

  • Sagittal Split Ramus Osteotomy (SSRO): La technique la plus fréquemment employée, offrant polyvalence et stabilité. Elle comprend une section sagittale de la branche montante de la mandibule, autorisant un avancement et une rotation de la mâchoire. Néanmoins, elle présente un risque potentiel de lésion du nerf alvéolaire inférieur, pouvant causer une perte de sensibilité dans la lèvre inférieure et le menton.
  • Distraction Ostéogenèse Mandibulaire (DOM): Une technique plus progressive, particulièrement utile dans les cas complexes. La DOM consiste à créer une fracture contrôlée de la mandibule et à utiliser un dispositif de distraction pour séparer graduellement les fragments osseux. Ce processus stimule la formation de nouvel os (ostéogenèse) et permet une adaptation graduelle des tissus mous environnants.
Technique Avantages Inconvénients Indications
SSRO Polyvalence, stabilité, technique bien établie Risque de lésion nerveuse (environ 5%), limitation de l’avancement La plupart des cas d’AOS nécessitant un avancement mandibulaire
DOM Adaptation progressive des tissus mous, avancement important possible Durée du traitement plus longue, dispositif externe Cas complexes, AOS sévère, hypoplasie mandibulaire

Fixation

La fixation des fragments osseux après l’avancement est cruciale pour assurer la stabilité sur le long terme du résultat chirurgical. Plusieurs méthodes de fixation sont disponibles, mais l’usage de plaques et de vis en titane est la plus courante. Ces plaques et vis sont biocompatibles et permettent une fixation solide des fragments osseux, favorisant la consolidation osseuse et limitant le risque de déplacement post-opératoire. La taille et le nombre de plaques et de vis utilisés sont fonction de la technique d’ostéotomie et de la morphologie du patient.

Imagerie 3D et planification chirurgicale

L’imagerie 3D, notamment le scanner et le Cone Beam CT, est devenue un outil essentiel dans la planification de l’avancement mandibulaire. Ces techniques d’imagerie permettent de visualiser avec précision l’anatomie osseuse du patient, les voies aériennes supérieures et les structures nerveuses importantes. Les logiciels de planification chirurgicale permettent de simuler l’intervention chirurgicale et de définir l’avancement optimal de la mandibule pour maximiser l’ouverture des voies aériennes. Cette planification virtuelle permet aussi de concevoir des guides chirurgicaux personnalisés, optimisant la précision de l’intervention et diminuant le risque de complications.

Sélection des patients et évaluation pré-opératoire

La sélection méticuleuse des patients est essentielle pour garantir le succès de l’avancement mandibulaire. Les patients atteints d’AOS ne sont pas tous de bons candidats pour cette intervention. Une évaluation pré-opératoire approfondie est indispensable pour déterminer si l’AM est la meilleure option de traitement pour un patient donné. Cette évaluation englobe une analyse de la sévérité de l’AOS, de la morphologie faciale et de la structure osseuse, ainsi qu’une évaluation des autres traitements qui ont été essayés ou qui ne sont pas supportés.

Critères de sélection des patients

Différents critères sont pris en compte lors de la sélection des patients pour l’avancement mandibulaire :

  • Sévérité de l’AOS: L’AM est généralement envisagé pour les patients atteints d’AOS modérée à sévère, avec un Indice d’Apnées-Hypopnées (IAH) supérieur à 15 événements par heure de sommeil ou une désaturation en oxygène significative pendant le sommeil (saturation < 90%).
  • Morphologie faciale et structure osseuse: Les patients présentant une rétrognathie (mâchoire inférieure en retrait) ou une classe II squelettique (désalignement des mâchoires) sont plus susceptibles de bénéficier de l’AM, car ces morphologies favorisent la réduction de l’espace respiratoire.
  • Échec des autres traitements: L’AM est souvent considéré après l’insuccès ou le manque de tolérance aux traitements non chirurgicaux comme la CPAP et les orthèses d’avancée mandibulaire. Une étude publiée dans *Journal of Clinical Sleep Medicine* a révélé qu’environ 30% des patients sous CPAP rencontrent des difficultés d’observance sur le long terme.
  • Motivation du patient: Il est essentiel que le patient soit motivé et comprenne les objectifs, les bénéfices et les risques de l’intervention, et qu’il soit prêt à s’engager dans un suivi post-opératoire rigoureux.

Evaluation pré-opératoire

L’évaluation pré-opératoire de l’avancement mandibulaire est une démarche rigoureuse visant à collecter toutes les informations nécessaires pour planifier l’intervention chirurgicale et minimiser les risques de complications. Cette évaluation comprend différents examens et tests :

  • Polysomnographie (PSG): Indispensable pour confirmer le diagnostic d’AOS et quantifier sa sévérité. La PSG mesure l’activité cérébrale, les mouvements oculaires, l’activité musculaire, le rythme cardiaque, le flux respiratoire et la saturation en oxygène durant le sommeil.
  • Examen clinique approfondi: Evaluation des voies aériennes supérieures, de la morphologie faciale, de l’occlusion dentaire et de la fonction de l’articulation temporo-mandibulaire (ATM).
  • Imagerie médicale: Réalisation d’un scanner ou Cone Beam CT pour visualiser l’anatomie osseuse et les voies aériennes.
  • Endoscopie des voies aériennes supérieures (Drug-Induced Sleep Endoscopy – DISE): La DISE permet d’identifier avec précision les sites d’obstruction pendant le sommeil induit par des médicaments, optimisant ainsi la planification chirurgicale.
  • Consultation orthodontique: Estimation de l’occlusion dentaire et planification d’un éventuel traitement orthodontique pré- ou post-opératoire.

La procédure chirurgicale

La procédure chirurgicale de l’avancement mandibulaire est une intervention complexe qui exige une planification minutieuse et une exécution précise. Elle est généralement accomplie sous anesthésie générale et dure plusieurs heures. Le chirurgien suit un protocole précis pour assurer la sécurité du patient et optimiser le résultat chirurgical.

Préparation du patient

Avant l’intervention, le patient doit suivre des consignes pré-opératoires spécifiques pour préparer son organisme à la chirurgie et minimiser le risque de complications. Ces consignes peuvent comprendre l’arrêt de certains médicaments, tels que les anticoagulants, quelques jours avant l’intervention. Une préparation buccale rigoureuse, incluant un brossage des dents méticuleux et l’utilisation de bains de bouche antiseptiques, est également essentielle pour abaisser le risque d’infection post-opératoire.

Anesthésie

L’avancement mandibulaire est réalisé sous anesthésie générale pour garantir le confort et la sécurité du patient. L’anesthésie générale permet de maintenir le patient inconscient et immobile durant toute la durée de l’intervention. Une surveillance continue des fonctions vitales, comme le rythme cardiaque, la tension artérielle et la saturation en oxygène, est assurée par l’équipe d’anesthésie pendant toute la durée de la procédure.

Déroulement de l’intervention

L’intervention chirurgicale se déroule en différentes étapes :

  • Incision: Une incision est réalisée à l’intérieur de la bouche (incision intra-orale) pour accéder aux os de la mandibule, évitant de fait les cicatrices visibles sur le visage.
  • Ostéotomie: La technique d’ostéotomie choisie (SSRO, DOM, etc.) est effectuée avec précision pour sectionner les fragments osseux.
  • Avancement mandibulaire: La mandibule est avancée de manière contrôlée et mesurée, en suivant la planification pré-opératoire et en employant des guides chirurgicaux pour assurer la justesse de l’avancement.
  • Fixation: Les fragments osseux sont fixés dans leur nouvelle position au moyen de plaques et de vis en titane.
  • Fermeture: Les incisions sont refermées avec des sutures résorbables.

Soins post-opératoires immédiats

Après l’intervention, le patient est surveillé en salle de réveil pendant plusieurs heures. La gestion de la douleur est une priorité et des médicaments antalgiques sont administrés selon les besoins. Une alimentation liquide est conseillée durant les premiers jours pour éviter de solliciter la mâchoire. Un suivi médical régulier est assuré pour contrôler la cicatrisation et déceler d’éventuelles complications.

Bénéfices et risques de l’avancement mandibulaire

Comme toute intervention chirurgicale, l’avancement mandibulaire présente des bénéfices potentiels et des risques potentiels. Il est important de bien appréhender ces bénéfices et ces risques avant de prendre une décision éclairée. Les avantages de l’AM sont principalement liés à l’amélioration de la respiration nocturne et à l’amoindrissement des symptômes de l’AOS. Les dangers sont liés à la complexité de l’intervention et à la possibilité de complications.

Avantages prouvés

L’avancement mandibulaire a démontré des avantages notables pour les patients atteints d’AOS :

  • Réduction de l’IAH: Des études ont prouvé une baisse significative de l’IAH après AM. Une étude, publiée dans *Sleep*, a constaté une réduction moyenne de l’IAH de 60% après l’intervention.
  • Amélioration de la saturation en oxygène: L’AM améliore la saturation en oxygène nocturne, réduisant de ce fait le risque de complications cardiovasculaires.
  • Réduction de la somnolence diurne: La diminution de la somnolence diurne excessive augmente la qualité de vie et réduit le risque d’accidents.
  • Bénéfices sur le long terme: L’AM peut diminuer le risque de maladies cardiovasculaires et optimiser la survie sur le long terme chez les patients atteints d’AOS.

Risques et complications potentielles

Bien que l’avancement mandibulaire soit globalement considéré comme une intervention sûre, des risques et des complications potentielles existent :

  • Complications chirurgicales: Infection, saignement, lésion nerveuse (nerf alvéolaire inférieur), problèmes de consolidation osseuse (non-union, retard de consolidation).
  • Complications orthodontiques: Problèmes d’occlusion dentaire, besoin d’un traitement orthodontique post-opératoire.
  • Douleur et inconfort: Douleur post-opératoire, difficulté à manger, engourdissement.
  • Réapparition de l’AOS: L’AM n’est pas toujours curative et l’AOS peut réapparaître, spécialement en cas de prise de poids ou de facteurs de risque persistants.
Facteur Impact sur la réussite de l’AM
Degré d’avancement mandibulaire Un avancement suffisant est essentiel pour agrandir les voies aériennes
Morphologie des voies aériennes L’anatomie des voies aériennes influe sur l’efficacité de l’AM
Indice de masse corporelle (IMC) Un IMC élevé peut amoindrir l’efficacité de l’AM
Présence d’autres sites d’obstruction Obstruction nasale ou amygdalienne peuvent limiter le succès

Perspectives d’avenir

L’avancement mandibulaire poursuit son évolution grâce aux progrès technologiques et aux recherches cliniques. Les nouvelles technologies concourent à améliorer la justesse de l’intervention et à réduire les dangers de complications. Les recherches cliniques visent à mieux saisir les mécanismes de l’AOS et à désigner les patients qui sont les plus susceptibles de tirer profit de l’AM. Des études à long terme se penchent sur l’efficacité de l’avancement maxillo-mandibulaire pour l’AOS.

Progrès technologiques

Différents progrès technologiques prometteurs sont en cours d’élaboration :

  • Impression 3D de guides chirurgicaux personnalisés: L’impression 3D autorise la conception de guides chirurgicaux sur mesure, améliorant la précision et la prédictibilité de l’intervention.
  • Robotique chirurgicale: La robotique chirurgicale pourrait améliorer la justesse et la limitation des traumatismes.
  • Biomatériaux pour la régénération osseuse: L’emploi de biomatériaux pourrait encourager la régénération osseuse et améliorer la consolidation.

Recherche clinique

La recherche clinique continue de jouer un rôle majeur dans l’amélioration de l’avancement mandibulaire. Des études sur le long terme concernant l’efficacité et la stabilité de l’AM sont nécessaires pour estimer les résultats sur le long terme de l’intervention. La désignation de biomarqueurs prédictifs de réussite pourrait autoriser une meilleure sélection des patients les plus susceptibles de tirer profit de l’AM.

En conclusion : une respiration améliorée grâce à l’avancement mandibulaire

L’avancement mandibulaire est une option chirurgicale viable pour prendre en charge l’apnée obstructive du sommeil, offrant une amélioration des voies aériennes et de la qualité de vie pour les patients désignés. Une estimation rigoureuse et personnalisée de chaque patient est fondamentale avant d’envisager l’AM, en tenant compte des avantages potentiels et des dangers encourus. Grâce aux progrès technologiques et à la recherche clinique en cours, l’avancement mandibulaire poursuit son évolution, offrant de nouvelles perspectives pour la prise en charge de l’AOS. Pour en savoir plus sur la chirurgie des mâchoires et l’avancement mandibulaire, consultez votre chirurgien ou un spécialiste des troubles du sommeil.